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" Stéphanie, c’est d’abord un regard et une énigme. Ou l’inverse. Je ne sais jamais. Elle avait quinze ans. Moi beaucoup plus déjà. Elle était la fille du metteur en scène, autant dire qu’il n’était pas question de plaisanter. Et puis elle avait déjà ce sourire qui vous tenait un peu à distance. Charmant et lointain à la fois. Un sourire un peu sérieux en somme. Et en même temps un regard qui regardait comme à l’intérieur de vous. Qui semblait vous dire : « Je sais qui tu es… » C’était si étrange chez une fille si jeune. Je m’étais dit à l’époque que Phèdre à 14 ans devait ressembler à ça. Elle venait de loin, et elle savait ce qu’elle n’avait sans doute pas encore compris. Elle était venue voir une mise en scène de son père dans laquelle je jouais. Tout le monde était resté un peu médusé par cette beauté tranquille et bouleversante. C’était au Théâtre Saint-Georges. Il y a longtemps. Et puis elle a grandi. Comédienne d’abord. Vive et rieuse. Belle toujours. Tout était prêt pour une carrière heureuse. Elle était du sérail. Et comme dans un opéra de Mozart, tous les comédiens de Paris voulaient l’enlever. Tout le monde rentra chez soi. Mariée. Des enfants. « Mais elle n’a plus quinze ans? » On ne se voit pas vieillir. Et puis dans ce beau destin tout tracé, si heureux, si facile : la mort du père. Le bouleversement fondamental. L’instant de la vie qui vous fait grandir d’un coup. Alors qu’on ne demande rien et qu’on aimerait bien rester encore sur les rives de l’enfance. Là où les choses sont plus simples. Plus douces. L’instant précisément où les êtres se révèlent. Leur courage, leur caractère, leur noblesse. Elle a foncé. Elle a continué l’œuvre du père. Et elle y a joint sa touche personnelle : le sourire toujours, et le regard. Intelligent et sans concession. Toute droite, toute belle, toute Antigone, elle fait avancer son grand et beau bateau de l’avenue Montaigne. Et ça marche. Là voilà maintenant metteur en scène. Elle y mettra tout. Comme toujours. Et le regard. Et le sourire. C’est un drôle de caractère. Love letters ! On lui souhaite tout l’amour du monde."
par Nicolas Briançon
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