El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra - ou l'histoire de Dom Juan - est l'œuvre licencieuse d'un moine de l'Ordre de la Merci : Tirso de Molina (1581/83-1648), de son vrai nom Gabriel Téllez. Il entreprend en 1607 une immense œuvre dramatique, riche de plus de quatre cents pièces dont quatre-vingts nous sont restées. Il est alors contemporain de ce Siècle d'or qui voit s'épanouir les grands génies de la langue espagnole comme Miguel de Cervantès, Lope de Vega ou Pedro Calderón de la Barca. On trouve chez Tirso de Molina aussi bien des pièces dévotes destinées à l'édification, des drames historiques que des comédies de mœures vives et savoureuses, dont Le Timide à la Cour. Mais, dans une Espagne qui sombre peu à peu dans l'intégrisme de la Contre-Réforme, les œuvres légères et divertissantes de Tirso de Molina le conduisent souvent devant les tribunaux. Condamné en 1625 à l'exil, il ne cesse pourtant de recevoir de nouvelles charges (il devient chroniqueur de son ordre) et de publier de nouvelles pièces profanes, dont El Burlador de Sevilla y Convidado de piedra (L'Abuseur de Séville et le Convive de pierre) en 1630, dix ans après sa rédaction. Les aventures sensuelles et tragiques de ce Don Juan Tenorio charment l'Europe entière. La légende se répand comme une traînée de poudre et inspire mille variations : celle de Domenico Biancolelli (1661 ou 1673), de Giacinto Andrea Cicognini (1632 ou 1654) et d'Andrea Perrucci (1690) en Italie, de Jean Deschamps Villiers (1659) et de Molière (1665) en France, de Thomas Shadwell (1676) en Angleterre. El Don Juan, c'est la trame de Tirso de Molina, enrichie par toutes ces versions où chacun apporte sa couleur. Le personnage de Don Juan a su trouver sa place dans toutes les grandes mythologies, toutes les grandes cultures. Car il possède, comme nul autre, l'art du travestissement. (Olivier Celik)